William Lafleur et Marie Pellan
Extrait : Rêvons petit, achetons pas cher. La révolution, c'est bon pour les autres, ceux de l'ancien millénaire, qui pouvaient encore se battre pour quelque chose de plus grand qu'eux, ceux qui n'étaient pas résignés. Et pourtant... Ils sont là, tous les ingrédients de la dystopie. On y est, on est en plein dedans. Vous ne les voyez pas, les tenants des conglomérats médiatiques, qui achètent l'édition et la mettent aux mains des HEC et autres commerciaux bornés ? C'est moins impressionnant que les autodafés de Farhenheit, mais c'est tout aussi efficace pour détruire la littérature et la pensée. Et les télécrans de 1984 ? C'est pas un que vous en avez, c'est quatre, cinq, dix à la maison ! Vous ne les voyez pas venir, les conséquences de l'oligarchie triomphale ? Qui va pouvoir se payer les bons effets du ciseau à couper l'ADN, comme dans Gattaca ? Et ceux de la biotechnologie comme dans Le Meilleur des mondes ? Qui seront les transhumanistes surhumains, cryogénisés, refaits à la chirurgie, pimpés à la robotique et immunisés contre toutes les maladies et les défaillances génétiques ? Les gens des cités ? Les ouvriers qu'on humilie à la télé ? On sait tous que non. Ceux-là, ils pourront s'estimer heureux si on les laisse naître pour aller faire le ménage chez les riches de ce monde. Alors réveillez-vous ! Dites ! Parlez ! Allez diffuser la mauvaise parole, allez la crier dans les oreilles des sourds ! Chronique : Un roman de Monsieur le prof et Marie Pellan en service presse ? Mais je fonce ! Surtout lorsque ledit roman dénonce de nombreux aspects de l’éducation et du système français. Retour sur un roman actuel qui entraîne une réflexion poussée chez le lecteur. Thomas Debord est un jeune professeur de lettre en Zone d’Education Prioritaire. Passionné par son métier, il est cependant fatigué par la non-considération de la hiérarchie par rapport aux situations compliquées que les élèves, comme les professeurs se retrouvent à gérer. Comme les grèves et les discussions n’aboutissent à rien, Thomas décide de passer à la vitesse supérieure et, un matin, prends en otage un demi groupe de première. Les auteurs ont parfaitement maîtrisé le roman, du début à la fin, les réflexions fusent et on arrive à se glisser dans la peau des différents personnages. En effet, les auteurs abordent différentes problématiques comme, bien évidemment, l’enseignement en ZEP, mais aussi, l’actualité, le racisme, le burn-out et son accompagnement, l’influence des médias et des réseaux sociaux, la gestion des situations de crise… C’est un livre qui ose dénoncer et qui reste tout de même agréable à découvrir puisqu’on ne ressent à aucun moment une différence de style entre les quatre mains et le tout est assez fluide pour que le livre se lise aisément, y compris les tics de langage approprié à chacun ! Un autre point intéressant se trouve dans les différents points de vue exploités par les auteurs, que ce soit le preneur d’otage, les élèves, les parents, les forces de l’ordre, les élus ou les médias et réseaux sociaux, le livre balaye de manière efficace les domaines pour lesquels il est intéressant d’avoir l’avis pour mieux comprendre cette prise d’otage. Cependant, j’ai trouvé que quelques chapitres, à la fin de la première moitié, tournaient un peu en rond puisqu’on peut lire plusieurs fois les revendications de Thomas, même si les passages sont formulés différemment de l’un à l’autre, ils restent un peu plats et longs à lire à mon goût. Toutefois, une prise d’otage telle que la sienne ne se fait pas sans réflexion et c’est donc plutôt compréhensible que l’on ressente cette phase à la lecture. Une fois ce passage derrière nous, les points de vue s’enchaînent et les dernières pages se lisent d’une traite. Les personnages sont nombreux. Une classe, un preneur d’otage, un proviseur, des professeurs, un négociateur, une équipe du RAID, des parents, des élèves, des élus… Mais comme chacun possède un rôle défini, une personnalité cohérente avec son passé et son entourage, on s’y retrouve. J’ai aimé le fait que l’on ne s’attarde pas que sur le passé de Thomas, mais qu’on puisse s’attacher, par leur vécu, aux autres personnages que nous proposent William et Marie. Les auteurs ont réussi le tour de force de nous faire réfléchir tout au long du roman et même après puisque le dénouement apporte de nouvelles questions : un roman à lire absolument si vous voulez une immersion dans un quotidien parfois dénigré et des réflexions qui tombent juste ! ♦ Un roman actif ! ♦
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